LE RENOUVEAU DE LA CONSTRUCTION D'AMATEUR
Le renouveau de la construction d'amateur passe inévitablement par la culture anglo-saxonne... Eh oui, comme toujours, la tendance nous vient d'outre-atlantique.
Un véritable engouement s'est développé depuis une dizaine d'années aux États-Unis et dans les pays anglo-saxons par effet de culture, qui aurait bien besoin d'arriver jusque chez nous.
Les américains ont fait la constatation suivante : naviguer est devenu absolument hors de prix et ne peut guère se faire dans de bonnes conditions qu'au prix de sacrifices que toute la famille n'est pas toujours prête à consentir aux chef de famille...(c'est rarement l'épouse qui se passionne pour le nautisme, avez vous remarqué vous aussi ?).
Le prix des bateaux neufs est exorbitant, au point qu'il faut choisir entre l'achat d'un bateau ou celui d'une maison. Et si l'on choisit le bateau, peu d'épouses et d'enfants rêvent de vivre dessus plutôt que dans un pavillon ou une villa ...
Quant aux bateaux d'occasion, le marché est très actif et les prix ne baissent guère. Il n'est pas rare de payer un bateau plus cher qu'il ne valait il y a vingt ans.
Soit, le coût de la vie a augmenté pendant cette période, mais payer disons 100.000 Euros pour un bateau d'il y a 20 ou 30 ans est une opération qui demande réflexion, çà n'est plus une prima donna, tout de même.
Quant à acheter le même neuf, à moins d'être fort riche, ce que je souhaite à tout un chacun, ou d'avoir gagné au loto, cela reste pour la plupart d'entre nous un beau rêve inaccessible.
Les revues ont beau nous faire faire tous les mois les essais d'unités de rêve, vantant leurs qualités extraordinaires, bien peu se vendront à des particuliers, les loueurs restant le principal marché des constructeurs.
Qui va payer 1/2 Million d'Euros pour un navire qui restera à quai (si tant est qu'un port puisse l'accueillir, vu la pénurie de places) 11 mois par an ?
Ces digressions nous amènent à nous dire : si l'on aime vraiment naviguer, que l'on n'est pas milliardaire, que l'on est habile de ses mains, et que l'on ne veut pas tout sacrifier à son bateau, pourquoi ne pas en construire un de taille raisonnable par nous mêmes ?
C'est cette idée qui prévaut outre-atlantique et qui a permis ce véritable renouveau de la construction d'amateur.
Les designers américains sont légions, les catalogues de plans pléthoriques, et il suffit de s'abonner à quelques uns des dizaines de newsgroups proposés sur
le sujet par des portails comme Yahootm (http://groups.yahoo.com ) pour se rendre compte de l'activité bouillonnante des constructeurs amateurs.
Des designers comme Philip C. Bolger (qui n'a pas pondu que des beautés, d'ailleurs) font figure de gourous et ont des adeptes dans tout le monde anglo-saxon. Ils proposent des plans de bateaux simples, efficaces, peux coûteux et à la portée d'un amateur moyen dans réelle difficulté. (Bolger propose à titre indicatif près de sept cent plans différents, il y a de quoi faire.)
Certains designers Européens talentueux comme le Belge Jacques Mertens, (http://www.bateau.com)auteur du plan du dinghy le plus célèbre du monde, le D4 (plusieurs milliers d'exemplaires construits) ne s'y sont pas trompé et ont émigré là-bas depuis belle lurette. Ils peuvent se consacrer à leur passion et à leur métier dans de bonnes condition, les débouchés existant vraiment.
Une caractéristique commune à tous ces designers est de proposer des plans destinés à la construction de bateaux en bois !
La percée connue par cette technique pourtant ancestrale est stupéfiante, et la promotion par certains grands noms de la technique du ‘cousu-collé’, certainement celle qui est la plus à la portée de l’amateur moyen ou inexpérimenté, n’y est pas pour rien. De très nombreux ouvrages lui sont consacrés (je vous incite à faire une recherche sur les mots ‘stitch and glue’ sur http://www.amazon.com pour vous faire une idée), qui détaillent parfaitement la technique (Ceux d’Harlod ‘Dynamite’ Payson et de Sam Devlin sont sans doute les meilleurs -voyez la rubrique ‘bibliothèque’ -).
Cette technique , complétée par le traitement du contreplaqué à l’epoxy, permet de construire des unités de qualité, à la durée de vie au moins aussi élevée que celle des bateaux en polyester, et avec un coût et une technicité infiniment moindre.
Ainsi, sur tout le territoire des Etats-Unis voit on fleurir chaqué été de nombreuses concentrations (messabouts) de constructeurs amateurs qui viennent faire admirer leurs réalisations, souvent d’une très haute qualité, pratiquement toujours très originales et bien concues. Un vrai enthousiasme anime ces amateurs, chose qui fait bien défaut à notre hexagone...
LA FRANCE ET LA CONSTRUCTION D'AMATEUR
Force est de constater que la situation de la construction amateur Française est loin d’être aussi bouillonnante qu’elle ne l’est outre atlantique.
On trouve bien quelques plans, fort cher, mais le choix est exceptionnellement limité dès qu’on désire s’atteler à autre chose qu’un croiseur tourdumondiste.
A croire que les Francais n’envisagent pas de construire eux-même leur bateau si celui-ci doit avoir une taille inférieure à dix ou douze mètres !!!
Pour nous en convaincre, faisons un tour de la presse spécialisée...”Quelle presse spécialisée ?” allez vous me dire, et vous aurez bien raison... A l’exception notable de la revue ‘Loisirs Nautiques’ qui fait un peu de place à la construction amateur (et là encore, rarement en dessous de 12 mètres), et des quelques plans fort coûteux du ‘Chasse Marée’, la presse Française est un désert brulant pour le constructeur amateur.
Les architectes ? Le nautisme est une vache à lait, et le moindre plan, même d’une unité mineure, d’un simple canot, se négocie bien au delà du prix du plan d’un croiseur aux Etats-Unis (voir l’exemple du primo plus loin.).
De même, les plans de bateaux qui aurait depuis longtemps du tomber dans le domaine public continuent à être vendus par les héritiers des architectes défunts.(Je pense particulièrement au Corsaire et à la Caravelle...)
Et pour ceux qui n’ont pas d’héritiers ? Hélas, il n’y a pas de musée pour les avoir racheté afin de les mettre à la disposition du public comme l’ont fait le Smithsonian Institute ou le Mystic Seaport Museum par exemple.
A qui la faute ?
A la règlementation Franco/Européenne qui est un véritable parcours du combattant pour le constructeur amateur ? (Tout y est fait pour décourager l’amateur de construire lui-même son navire - le lobby des constructeurs y est-il étranger ?)
Au peu de connaissance de la construction amateur du public Francais ? (Le système D n’est il pourtant pas une invention Française ?) A un dédain commisératoire de la profession vis-à-vis de l’amateur (Public peu rémunérateur...).
Au prix exorbitant du moindre plan d’architecte ? ( Songez que les plans du ‘primo’ sont vendus de ce côté-ci de l’atlantique a 698€, et seulement 195$ - avec un certain nombre d’améliorations en plus - sous le nom de ‘Vagabond +’ par le représentant Americain de l’architecte, Jacques Mertens. Cherchez l’erreur.. Car il s’agit bien des plans du même bateau...De même le plan du Serpentaire, vendu 400 € de ce côté-ci de la flaque, se retrouve-t’il à 300$ de l’autre côté. Même si la différence est moins flagrante, qu’est-ce qui la justifie ?)
Un peu de tout cela sans doute. Laissez moi alors lancer un appel à tous les tenants du nautisme Francais : Constructeurs qui ne proposent plus de kits depuis belle-lurette, Architectes pour qui tout ce qui fait moins de 40 pieds n’est plus du domaine du bateau :
“Vous êtes en train de scier la branche sur laquelle vous êtes assis...
Vous les constructeurs et les chantiers qui font fi du kit : ce sont des futurs clients que vous ignorez, car bon nombre d’entre eux finiront un jour ou l’autre par acheter un de vos bateaux après avoir construit vos kits.
Vous les architectes, prenez le temps de dessiner des bateaux de petite taille, de proposer des plans bon marché ou même gratuits comme vos confrères Américains le font pour la plupart.
C’est le tissu vivant du nautisme Français que vous ignorez actuellement. Ces jeunes constructeurs amateurs sont le futur du nautisme Francais, ils commenceront par une prame ou un dériveur, un petit croiseur de 4 ou 5 mètres si on leur en donne l’occasion et les moyens, et en vieillissant deviendront les clients de vos cabinets, mais des clients connaisseurs, qui feront avancer le monde du nautisme. Certes, la plupart ne seront pas des milliardaires et ne vous commanderont pas des plans d’unités transatlantiques de rève dans l’avenir, mais la profession aura tout lieu de se réjouir de l’essor nouveau apporté par cette génération de marins qui savent ce que construire un bateau veut dire.”
Pour ma part, j’entends grace à ce petit site offrir le plus de ressources possibles aux amateurs, et leur permettre de limiter aussi fortement que possible le coût de leur première unité, afin que la dynamique se recrée et que l’avenir sur la mer et sur les rivières soit rempli de jolis bateaux et de navigateurs heureux.
Quant à le technique qui fait les beaux jours de la construction amateur anglo-saxonne, le cousu-collé, tout juste a t’elle - c’est déjà méritoire - droit à quelques pages à la fin d’un des ouvrages de ‘Loisirs Nautiques’ consacré à la construction en contreplaqué. Je me prends parfois à rêver qu’un éditeur prenne la peine de traduire un des ouvrages de Payson ou de Devlin. Je suis prêt à parier que celà créerait bien des vocations ici bas.
Ne me taxez pas d’Américanophilie, je ne suis pas plus fan de la bannière étoilée que vous (et même plutôt moins que la moyenne en ces temps troublés). Je me contente de constater ce qui est constatable, et de regretter ce qui est regrettable.
Comme tout passionné, je souhaite avant tout que ma passion soit partagée par le plus grand nombre de gens possibles et qu’elle soit à leur portée autant que faire se peut...
J’ai créé ce site dans ce but et j’espère que ma modeste contribution aidera à faire naître quelques vocations...
Philippe PELTIER - Janvier 2003.