Ces bateaux qui venaient du froid (8)
Il y a froid et froid; Le plan que nous allons étudier ensemble vient d'un des endroits les plus froids de la planète. Lors de nos petites excursions sur la toile à la recherche de plans originaux et gratuits, nous avions déjà navigué par la Pologne et l'Ukraine (et rassurez vous, nous y reviendrons bientôt, tant il y a de plans passionnants à explorer..), mais cette fois-ci.. cap à l'Est, puis cap au Nord.. nous allons en Yakoutie.. Un nouvel eldorado du bateau bois ?
La Yakoutie, maintenant "République de Sakha" en quelques mots :
C'est la plus grande république de la Fédération de Russie. Elle se situe au Nord-est de la sibérie. La République Sakha (Yakoutie) occupe une grande partie du Nord-Est du continent asiatique. Elle s'étend sur 2 000 kilomètres du nord au sud et sur 2 500 kilomètres de l'est à l'ouest. Sa surface de 3 103 200 kilomètres carrés formant 1/5 du territoire de la Russie. La population est de 1 050 000 habitants. Les îles arctiques Novosibirskie (nouvelle Sibérie) et quelques autres font partie du territoire de la République Sakha (Yakoutie). 40 pour cent de son territoire se trouve au-dessus du cercle polaire arctique. Il y a trois fuseaux horaires - six, sept et huit heures en avance de Moscou. La capitale de la République - Yakoutsk 250 000 habitant- est à 6875 kilomètres de Moscou et 1814 kilomètres de Vladivostok. | 
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Et sous ces latitudes glaciales, étrangement, sur les bord de la Lena, non loin du fameux lac Baïkal, une poignée de passionnés dessine des voiliers, les construit, et les fait naviguer à la (courte) belle saison. Nous avons recensé pas loin d'une dizaine de plans publiés par ces architectes du froid, et allons vous les présenter au cours des mois qui viennent.
Celui qui nous intéresse aujourd'hui porte le joli nom de "Carassin 500" (Le carassin est un petit poisson de la famille des cyprins, apparenté à la carpe, présent dans tous les lacs d'Europe et d'Asie Mineure)
Fait à noter, comme tous les plans venant de l'est, celui-ci est particulièrement détaillé, et, si les indications sont inscrites en Russe, ces plans sont si clairs qu'il est difficile de ne pas les comprendre d'un seul coup d'oeil, de plus, les 32 planches de celui-ci devraient encore simplifier grandement leur entendement (quand on les compare aux 4 ou 5 planches d'un plan Bolger par exemple, on ne peut que se féliciter de la prolixité des auteurs..)

"Carassin 500"
Écoutons son architecte :
"Le projet était de créer un bateau très léger et compact afin de pouvoir le transporter sur une remorque, qui pourrait en même temps accueillir dans un confort relatif trois à quatre personnes, que l’on puisse construire dans son garage en un temps assez court et pour un budget minimal. On pourrait aussi limiter les couchettes à trois pour accueillir une kitchenette et ainsi le rendre plus confortable."


Les caractéristiques retenues sont donc les suivantes pour cet intéressant petit bateau :
Longueur maxima | 5 m |
Largeur maximum | 2,2 m |
Longueur à la flottaison | 4,8 m |
Largeur à la flottaison | 1,78 m |
Tirant d'eau minimum | 0,28 m |
Tirant d'eau maximum | 1,28 m |
Déplacement | 1080 Kg |
Poids du bateau |
550 Kg |
Surface mouillées à la flottaison | 6,73 m2 |
Masse du ballast | 200 Kg |
Surface de la voilure |
15,1 m2 |
| Grand'voile - 9,3 m2 |
| Génois - 5,8 m2 |


Modélisation 3d de "Carassin 500"
"Les lignes en coin du bateau ont été étudiées pour laisser un maximum de place à l’équipage en offrant un cockpit de grandes dimensions.
Le bateau a été conçu pour proposer des volumes destinés à recevoir de la mousse d’insubmersibilité, entre le premier et le second couple ainsi que sous le cockpit entre le tableau arrière et le sixième couple."

Deux méthodes de construction sont proposées, la première consiste à réaliser les couples et les bordés dans du contreplaqué de 12 mm, la seconde est de réaliser les couples à l'aide de lattes de pin de 25 mm et d'effectuer le placage des bordés à l'aide de CP de 6mm. La première est plus coûteuse, mais plus simple, la seconde diminuera considérablement la facture de CP, mais entraînera un surcroît non négligeable de travail.
Les étapes des travaux :
L'assemblage du bateau est réalisé en commençant par le fond et par la quille.
1. On fabriquera en premier lieu les couples, puis le puits de dérive, et de l'intérieur on le recouvrira d'une couche stratifiée de résine époxy.
2. On préparera ensuite le chantier, composé de deux poutres parallèles de 5 mètres et de section 40x100 dont on vérifiera scrupuleusement l'horizontalité et le parallélisme à l'aide d'un niveau. On en profitera pour lui fixer des lattes aux emplacements des futurs couples qui serviront de repères par la suite tout en rigidifiant l'ensemble.. Puis on le positionnera en hauteur sur de solides tréteaux et on le recalera afin de rester scrupuleusement horizontal (voir photos)

Préparation du chantier
3. On positionnera en priorité le couple G (voir "couples.gif" pour identifier les couples - pensez à vous munir d'une table "cyrillique-romain"), on vérifiera sa verticalité et les orthogonalité de l'axe du couple avec le chantier. On placera ensuite tous les autres couples en se servant de celui-ci comme référence. Après l'installation des couples on revérifiera une fois encore les alignements.

Le chantier en place avec les couples montés.
4. On posera ensuite la quille, en la collant et la vissant à l'aide de vis inoxydables, sans oublier d'y découper au préalable la fente adéquate pour le puits de dérive (voir les plans). On positionnera ensuite toutes les lattes de renfort en encochant à l'endroit ad hoc (soit, plus simplement on aura déjà prédécoupé les encoches adéquates sur les couples avant de les positionner..). Enfin, on vissera avec précaution le puits de dérive que nous aurons fabriqué au préalable (voir 1) à l'aide de vis inoxydables et de colle et l'on stratifiera l'ensemble sur place. On prendra un soi tout particulier à éviter toute coulure de colle ou d'époxy à l'intérieur du puits et on essuiera le cas échéant toute coulure avant qu'elle puisse sécher. On procédera ensuite au rabotage des lattes afin de les préparer à recevoir les bordés.

Positionnement de la quille
5. On procédera ensuite à la pose des bordés en partant du pavois. On assemblera les feuilles à l'aide de vis inoxydables de 3-5 mm et de colle époxy à laquelle on aura mélangé des microballons ou de la farine de bois pour lisser les inégalités. Une fois tous les bordés posés, on procèdera à un masticage, au rabotage des têtes de vis qui dépasseraient.

Montage des bordés.
6. Une fois la coque assemblée, on la recouvrira de 3 couches de résine époxy dans lesquelles on aura disposé une couche de tissu de verre qui constituera l'élément étanchéificateur et rigidificateur de la coque, puis on poncera soigneusement le tout jusqu'à obtention d'une surface rigoureusement lisse.. On pourra se servir du restant de résine agrémenté de farine de bois ou de microballons afin de constituer un mastic de finition. Il est alors sage de procéder à la peinture de la coque avant de procéder à son retournement. On prendra soin d'appliquer un apprêt soigneusement poncé à l'eau et éventuellement rectifié au mastic de finition avant de peindre la coque.

Bordés en place et poncés.
7. On procédera ensuite au retournement de la coque afin d'assembler le pont et le cockpit, qui seront eux aussi tant que faire se peut recouverts d'une couche de tissu époxy. On pourra fabriquer un ber pour stocker la coque peinte sans risque d'abîmer la peinture.
8. On assemblera donc dans l'ordre les aménagements intérieurs, le cockpit, le rouf et le pont. On prendra soin de peindre tous les ménagements intérieurs AVANT de refermer par dessus afin de se faciliter la tâche.. Pour ce qui est du pont et du cockpit, on peut envisager de prendre un contreplaqué un peu mieux échantillonné pour les zones de passage.. On n'oubliera pas de doubler systématiquement toutes les zones supportant l'accastillage.
9. Construction de la dérive et du safran:

Dérive et safran

Positionnement de la dérive

Section de la dérive
La dérive pourra être construite sous la forme d'une structure creuse soudée en inox de 2 mm que l'on remplira de plomb sur 1/3 de sa longueur.
On pourra aussi la réaliser à l'aide d'une tôle de 12 en prenant soin de raboter les bords d'attaque et de fuite afin de préserver l'hydrodynamique.
Une alternative consistera à la réaliser en laminant deux feuilles de bois de 9mm dans lesquelles on réservera un emplacement pour une charge de plomb et que l'on recouvrira d'une protection de tissu et de résine époxy.
Le safran sera, lui réalisé en bois de 25 mm copieusement enduit d'époxy puis poncé et peint.
Le lest restant sera disposé autour du puits de dérive et solidement fixé puis englué dans une bonne dose de résine pour le maintenir définitivement en place.
Les explications sur la fabrication de ce charmant petit dériveur intégral sont succinctes, certes, mais les plans sont très complets et à la portée d'un constructeur un peu expérimenté.
Carassin navigue déjà sur le Baïkal depuis plusieurs années comme en attestent ces photos (on sent la qualité de pellicule soviétique.. désolé..):

Notez la voiture et la remorque, toutes soviétiques..

Carassin à terre au pied des falaises du Baïkal.

Carassin à l'eau

Vue de face.

Et voilà l'équipage..
Dans de prochains articles, notre globe-trotter vous présentera de nouvelles réalisations de cette étonnante équipe de Iakoutes, qui ne manque pas d'imagination et dont les plans couvrent une large gamme de tailles allant de 4 à 8 mètres, dont un nouveau classe T800 dont l'intérêt pour nos réglementations Européennes est évident et qui se pose en concurrent direct du Kavalier 800 vu plus tôt.
D'ici là, je vous souhaite de bonnes navigations.
Cordialement.
Tanyu.